Le premier hipster de l'histoire

- Il y a un sujet important dont il faut qu'on parle. 

- Quoi, chéri ? 

- L'eurodance. #jesuiseurodance, chérie. 

- Ah merde. 

En réalité, ce soir, après une semaine de #jesuischarlie, la lecture du dernier Houellebecq et l'impression que j'allais crever vraiment dans peu de temps, je me suis dit que la seule chose importante à faire était de mater TOUS les clips d'eurodance. Essentiel. Vital. Car d'une certaine manière, c'était la clef pour savoir si le capitalisme courrait à sa perte de manière naturelle (comme le postulait Rosa Luxemburg en 1900), ou si finalement, il fallait considérer qu'il était capable de s'adapter et par conséquent que le mouvement ouvrier devait être réformiste et pas révolutionnaire (Eduard Bernstein, 1898). Donc, j'ai tout maté. Ice MC, Haddaway, 2 unlimited, Masterboy, Corona, j'ai cherché vainement à savoir ce qu'était devenu les stars de mon enfance. Ce qui était drôle, c'est que j'avais jamais vu les clips de ces gens-là, à l'époque, j'écoutais Skyrock et Fun radio sur un poste à pile rose et blanc, je n'avais pas la télé. Jamais je n'aurais imaginé que mes idoles ressemblaient à ça. Merde. Et pour être totalement honnête, et sans vouloir à tout prix voir triompher Rosa Luxemburg, il était aisé de déduire que le capitalisme court à sa perte, dans la mesure où en matant toutes ces merdes, j'ai pu constater que TOUT, absolument TOUTES les merdes qu'on mate aujourd'hui étaient déjà présentes : le twerk était déjà là dans 740 Boys. L'avillissement des femmes, aussi. Les grosses bagnoles. La même merde, 20 ans avant, sauf que maintenant on n'a même pas Kurt Cobain pour faire semblant qu'il existe une respiration entre deux tubes foireux. 

Du coup, je me suis dit, mec, il faut que tu dig plus profond, il faut que tu ailles dans l'extrême, sortir ce que l'eurodance avait de mieux. Outre le fait que j'ai appris que la chanteuse de Masterboy était suisse - et sans savoir ce qu'étaient devenus #jesuischarlie et lulu :-) - ; après avoir maté l'intégrale des tubes de 20 fingers, de Outhere Brothers, et de putain, ma gueule, 2 brothers on the 4th Floor, je me suis dit, mec, mate ce putain de groupe scandinave, E-Type. Je me mate "Set the world on fire". Je me mate "Russian Lulaby", la chanson numéro n°10 sur l'album que j'avais acheté à la FNAC des Halles en 1994. Et là, révélation. Dans le clip the "This is the way" - de loin leur meilleur tube - entre deux images qui me fracurent la cornée à jamais, je vois quoi ???? UN PUTAIN DE HIPSTER. Ouais. Même ça. Il vous fallait une preuve de plus ? Rosa Luxemburg a toujours eu raison, même si ça vous fait chier. Le capitalisme, passé la fiesta bodega du pré-marché de renouvellement, n'a plus rien à vendre. Il se contente de recycler des merdes des années précédentes. Donc on peut raisonnablement attendre sa chute prochaine. Merci E-Type. 

Pour ceux qui ont encore une once ce courage, matez le clip du deuxième single de 740 Boys, Bump Bump, ça vaut son pesant de cacahuète. Je vous ai épargné Scatman. J'ai fait un énorme effort pour mettre à distance tout le contenu émotionnel de cette plongée dans le passé, pour rester rationnel. Tout le monde ne s'est pas fait largué en 1993 sur "What is love" de Haddaway à la boom de sixième par sa première copine portugaise, qui préférait le correspondant roumain à toi. Putain, je fais du Vice Magazine.