Le clip WTF (3) : VAST - Pretty when you cry (1998)

Si je devais élire le meilleur clip jamais tourné, ce serait celui-ci. Bon, ce serait sous la pression, car il y a plein de clips supers, mais celui-ci ferait partie du top 5. 

C'était en 1998. À l'époque, je n'avais pas la "télé" (les chaînes), juste l'écran et un magnéto. Je demandais à un copain d'un autre lycée d'enregistrer les émissions "métal", comme feu les merveilleuses "MTV Headbanger Ball" et "Ultra Metal" sur MCM ou alors, quand un groupe de métal passait à Nulle Part Ailleurs. Je récupérais la cassette le mardi midi et je la matais après mon cours de philo (oui, j'étais jeune). Un jour, alors que je compilais fiévreusement les clips de la veille (Ultra Metal passait le lundi soir), je tombe sur celui-ci (cliquez sur l'image).

Je l'ai regardé. Reregardé. Je suis allé acheté le CD de V.A.S.T. chez Gibert (il n'y avait pas Internet, les noob). Et puis j'ai acheté ma place de concert et je suis allé voir Jon Crosby et sa bande au Café de la Danse le 23 juin 1999 (oui je sais, je suis vieux). Claque dans la gueule. Et l'album continue de résister, quatorze ans plus tard, à l'usure de la vie en général et au flot ininterrompu de musique plus particulièrement. 

C'est en faisant quelques recherches pour ce billet, en 2013, que je me suis rendu à l'évidence : le type qui a fait le clip, Philipp Stölzl, est  allemand. De manière évidente aussi, c'est un type qui a réalisé les meilleurs clips de Rammstein. De manière beaucoup moins évidente - encore que - c'est un type qui vient de l'Opéra. Oui. Quand il ne fait pas des clips, au demeurant assez médiocres, pour Garbage ou Evanescence, ce type réalise des opéras. Genre Parsifal. Genre Faust ou Orphée. Il fait même des clips pour Pavarotti. 

Cependant, ce clip est de loin sont chef-d'oeuvre. Il débute sur une scène très américaine, la route, la nuit, du David Lynch, mais très rapidement, au bout de 15 secondes, la caméra bifurque littérallement. Dans une forêt. Comme c'était en 1998 et qu'on était un an avant The Blair Witch Project et dix ans avant la flopée (très chiante) de "Splatter" (films gore où on se perd dans une forêt avant d'être torturé par un maniaque, genre Saw ou Hostel), cette bifurcation nous perd au milieu de l'imaginaire très germanique des frères Grimm. Pour qui n'a pas lu les Contes des deux frères, il ne s'est jamais agi d'un truc cul-cul-la-praline type Disney (là aussi, le capitalisme a gagné sur toute la ligne), mais bien d'histoires où morale, éthique et prescription comportementale s'adossaient à une symbolique puissante et violente. Lisez Bruno Bettelheim si vous ne me croyez pas. Ou alors Dame Holle.

Dans Pretty when you cry, notre agréable quadragénaire - suffisamment étrange pour qu'on s'interroge sur ses préférences sexuelles, gants en cuir et grosses lunettes obligent - poursuit le petit chaperon rouge, avant de tomber sur ce qu'on peut considérer comme la maison d'Hansel et Gretel. Le Chaperon prend sa revanche sur l'infâme prédateur d'une manière assez honnête. Se greffent là-dessus de bons petits coups de ciseau comme dans Dead Again et un érotisme macabre qui ne laisse pas indifférent. Les effets spéciaux et de caméra sont parfaits. En plus, ils ont recruté un sosie de Danny DeVito (@2'17''). Certains diront que c'est un peu glauque comme clip n°1, mais je ne suis pas réputé pour mon amour des Petits Poneys. Le tout est onirique, très proche de ce qu'on a fait de mieux dans la tentative de mettre en bobine l'inconscient. Bravissimo.